Que serait le monde sans les vis et les boulons? C’est une question inhabituelle qu’on ne se pose presque jamais et à laquelle peu de gens sauraient répondre. Parmi ceux-là, le jeune artiste italo-libanais d’origine arménienne Vahram Najjar Aghazarian qui s’amuse avec les vis: « Cachées, discrètes: elles sont tout autour de nous. Dans le mobilier, les lunettes, les ordinateurs, dans la plupart des objets d’usage quotidien: elles ne se montrent pas, mais elles y sont. Sans elles, nous ne pourrions rien fixer, Sans les vis, le monde s’écroulerait! » Vahram est né à Chypre de parents libanais et a grandi en Italie, acquérant une culture cosmopolite mais avec de fortes racines arméniennes héritées de ses grands-parents. Après avoir obtenu son Diplôme en Économie à l’Université Catholique du Sacré-Cœur de Milan, Vahram travaille aujourd’hui à Beyrouth pour l’entreprise familiale qui, depuis trois générations, est l’une des principales sociétés œuvrant dans l’import-export de vis et de boulons au Moyen- Orient. Depuis l’enfance Vahram est attiré par ces petits objets « essentiels », omniprésents dans la vie quotidienne de tout un chacun, partout dans le monde. Mais jamais il n’aurait imaginé qu’un jour ils pourraient devenir la matière première de ses créations artistiques. Et c’est ainsi que dans un petit entrepôt de Beyrouth, suite à l’alignement aléatoire de quelques vis sur une bout de carton industriel, prennent forme ses premières mosaïques en trois dimensions, où les tesselles sont des vis colorées: le visage d’une jeune femme, un insecte, un masque vénitien, une Volkswagen Coccinelle, auxquels s’ajouteront ensuite d’autres sujets. Il réussit, avec cette technique, à souligner aussi bien les traits particuliers d’un objet dans son immobilité que les lignes sinueuses de corps en mouvement. Lentement, ces formes s’extraient du magasin familial pour aboutir dans les galeries d’art de Milan, Paris, New York et Beyrouth. Du 1er au 10 avril, et pour la troisième fois, la créativité de Vahram retourne à Beyrouth, grâce à une exposition organisée par l’Institut Culturel Italien. Le thème des œuvres exposées est le voyage, sous toutes ses formes. Voitures anciennes, filles à vélo ou en auto-stop, femmes élégantes en plumes et fourrure se promenant avec leurs chiens, un clochard épuisé qui se repose sur un escalier après avoir longtemps erré, un couple représenté dans l’étreinte d’un tango nostalgique. Et puis, de vieux trains et des locomotives à vapeur, des motos, des camionnettes, des pompes à essence, des citernes et des serveuses de fast-food. Cette exposition a toute la saveur d’un coast to coast américain dans l’espace et le temps: des fêtes du Great Gatsby aux innovations de la beat generation. À travers une surprenante nouvelle forme artistique, Vahram semble nous murmurer l’importance du mouvement, en traçant un parcours existentiel de chemins, apparemment éloignés entre eux, encore que vissés l’un à l’autre. Parce que « l’essentiel est invisible aux yeux ». Tout comme les vis. Pour de plus amples informations et pour consulter le catalogue de toutes les œuvres : http://www.vahramart.com